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Awounto: l'histoire d'une vie #2


...
Je sens soudainement comme une présence à mes côtés, cette présence me fait du bien. Elle me semble à la fois familière et étrangère. Je me dis en moi-même que c’est certainement l’esprit de ma mère qui me viens réconforter… Finalement, elle est venue, pensé-je en mon cœur le sourire aux lèvres. J’ai la sensation qu’elle me prend la main, cette main-là , celle que tout le  monde déteste, celle qui est sans vie… maman était la seule à aimer la toucher elle me disait que c’était la partie la plus vivante de mon corps et que même si en apparence elle semble sèche, en réalité, elle est ce qui me distingue des autres, non pas comme une main handicapée, mais comme une main différente, celle qui résume à elle seule, la force que j’incarne, c’est-à-dire une fille capable de vivre avec une seule main, là où tous les autres ont besoins des deux mains… « Seules les braves sont capables de vivre  avec peu là où il faut beaucoup », me disait-elle.

Je sens qu’elle me tient par cette main-là et je sens le besoin de lui exprimer le bonheur que j’éprouve à ce moment précis : « merci mère ! » lui dis-je, toujours les yeux fermés.

Mais de rien ! me répondit-elle… Comment est-ce possible ? Est-elle là physiquement ? Et cette voix, est-ce vraiment celle de ma défunte mère ou d’un esprit malin ? Effrayée, j’ouvre précipitamment les yeux ! Et je le vois debout devant moi, les yeux brillants et limpides, le corps délicieusement parfumé et les bras robustes. Ces doigts tendres tiennent les miens, secs et insensés. Il me trouble et mon cœur bat au pas de course… « N’aies pas peur », me dit-il ! Et comment ne pas avoir peur ? Qui est-ce ? Qui est cet homme qui, en dehors de mon père est le premier à me toucher ? « Je suis Edhilé, poursuivit-il, je passais par-là, j’avais besoin d’un peu de calme pour réfléchir et contempler la nature. Je ne savais pas qu’elle avait aussi belle voix », complète-t-il le sourire au coin de la bouche ! « D’où viens-tu et comment t’appelles-tu ? Que fais-tu ici toute seule dans cette savane ? ».  « Une question à la fois ! » répliqué-je après avoir avalé goulûment ma salive et pris un air de guerrière, « je suis Awounto et je contemplais la nature jusqu’à ce que tu me déranges. Mais je crois que je devrais rentrer avant que mon père ne se mette à hurler mon nom sur la place du village ». Il a plutôt l’air surpris et donne l’impression de connaitre mon village, « de qui es-tu la fille ? Me demanda-t-il ». Je lui répondis avec hésitation « Mon père est Tagbé, fils du village de Bota » !Il sourit et me dit : « ha ! Que la paix soit avec lui, moi je suis de Tahalé et je fuis un peu la froide quotidienneté de mon existence. Tu as belle voix Awounto, c’est un don, au-delà de ta beauté, c’est comme une couronne posée sur ta tête, mais une couronne que seuls des hommes de valeur peuvent voir … ». À l’ouï de ses mots je commence à avoir une autre étrange sensation, une chaleur venue de je ne sais où monte en moi et je sue à grosse goutte.  Mais il faut que je reste forte devant cet étranger. « Merci, lui dis-je, c’est gentil, mais on me le dit presque tous les jours ». A vrai dire, je veux cacher ma joie, car il est le premier jeune homme aussi beau qui m’adresse de belles paroles… cela en rajoute à l’exceptionnalité de ce moment tellement que je me pense rêver. Comment se faisait-il que je sens ses doigts passer sur ma main ? Son regard est si perçant qu’il m’oblige à baisser la tête. Les yeux baissés, je suis frappée par ses jambes. Elles ont l’air d’avoir été dessinées par un artiste, elles sont incroyablement ajustées. Je remarque aussi un bracelet en or sur son bras, le genre de bracelet que portent les princes… « Il est beau ! » lui dis-je, timide. « Ha, ce bracelet ! je l’ai reçu de mon père et j’y tiens ! » répondit-il. Cela m’intrigue, mais il effectivement très beau et je veux profiter du moment. Je veux lui dire que je le trouve, lui aussi très beau et bien parfumé quand tout à coup… Shut !!!  Il m’interrompt. On entend des gens crier dans le lointain comme s’ils appelaient quelqu’un… Il me dit alors : « il faut que je parte et tu devrais en faire de même, je suis sûr qu’on se reverra un autre jour, chacun dans sa vérité. Merci pour ce bon moment que tu m’as fait vivre par ta chanson… même si tu ne faisais que fredonner ». 

Je n’ai même pas le temps de placer un mot que déjà le voilà élancé sur ses jambes d’acier.

 Je ne cesse de m’interroger sur cet étrange étranger, qui était-ce ? Edhilé était-ce vraiment son nom ? Si oui, alors je devrais peut-être l’oublié car Edhilé signifie le rusé. Peut-être était-ce un voleur, un mendiant, un évadé de prison… ou peut-être un violeur ??? Comment peut-il être si sûr qu’on se reverra ? J’ai le cœur qui bat si fort que je sens que je vais m’évanouir… Mais les cris se rapprochent de moi, alors je fais comme il a dit et je rentre au village en empruntant un chemin détourné, dans la savane.

Ce soir, la pluie est orageuse. Le tonnerre déchire le ciel et les gouttes de la pluie s’abattent sur la paille de la case avec un tel bruit que j’ai peur. Je n’arrive pas à dormir, Edhilé occupe toutes mes pensées à ce moment précis ? Du plaisir, de la joie et aussi de l’effroi, quelle idiote j’ai été de lui donner toutes les informations sur ma famille ! Et si cette nuit il me retrouvait, seule dans cette chambre, ne pouvant compter sur mon père ivre à mort ? Que ferai-je ?

J’ai froid et je me lève donc pour revêtir ma robe qui me tiendra au chaud. Je l’ai portée, je mets ma main dans les poches pour me tenir au chaud. En glissant ma main dans la poche gauche je touche un objet étrange. Mes poches sont habituellement vides. Je sors l’objet pour savoir ce que c’est, mais j’ai une étrange impression du déjà touché... mon impression se confirme quand mes yeux le voient à nouveau… Non ! Comment est-ce possible ? C’est le bracelet d’Edhilé…

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