...
Je sens soudainement comme une présence à mes
côtés, cette présence me fait du bien. Elle me semble à la fois familière et
étrangère. Je me dis en moi-même que c’est certainement l’esprit de ma mère qui
me viens réconforter… Finalement, elle est venue, pensé-je en mon cœur le
sourire aux lèvres. J’ai la sensation qu’elle me prend la main, cette main-là ,
celle que tout le monde déteste, celle
qui est sans vie… maman était la seule à aimer la toucher elle me disait que
c’était la partie la plus vivante de mon corps et que même si en apparence elle
semble sèche, en réalité, elle est ce qui me distingue des autres, non pas
comme une main handicapée, mais comme une main différente, celle qui résume à
elle seule, la force que j’incarne, c’est-à-dire une fille capable de vivre
avec une seule main, là où tous les autres ont besoins des deux mains…
« Seules les braves sont capables de vivre
avec peu là où il faut beaucoup », me disait-elle.
Je sens qu’elle me tient par cette main-là et je
sens le besoin de lui exprimer le bonheur que j’éprouve à ce moment
précis : « merci mère ! » lui dis-je, toujours les yeux
fermés.
Mais de rien ! me répondit-elle… Comment est-ce
possible ? Est-elle là physiquement ? Et cette voix, est-ce vraiment
celle de ma défunte mère ou d’un esprit malin ? Effrayée, j’ouvre précipitamment
les yeux ! Et je le vois debout devant moi, les yeux brillants et
limpides, le corps délicieusement parfumé et les bras robustes. Ces doigts
tendres tiennent les miens, secs et insensés. Il me trouble et mon cœur bat au
pas de course… « N’aies pas peur », me dit-il ! Et comment ne
pas avoir peur ? Qui est-ce ? Qui est cet homme qui, en dehors de mon
père est le premier à me toucher ? « Je suis Edhilé, poursuivit-il,
je passais par-là, j’avais besoin d’un peu de calme pour réfléchir et
contempler la nature. Je ne savais pas qu’elle avait aussi belle voix »,
complète-t-il le sourire au coin de la bouche ! « D’où viens-tu et
comment t’appelles-tu ? Que fais-tu ici toute seule dans cette
savane ? ». « Une
question à la fois ! » répliqué-je après avoir avalé goulûment ma
salive et pris un air de guerrière, « je suis Awounto et je contemplais la
nature jusqu’à ce que tu me déranges. Mais je crois que je devrais rentrer
avant que mon père ne se mette à hurler mon nom sur la place du village ».
Il a plutôt l’air surpris et donne l’impression de connaitre mon village,
« de qui es-tu la fille ? Me demanda-t-il ». Je lui répondis
avec hésitation « Mon père est Tagbé, fils du village de Bota » !Il
sourit et me dit : « ha ! Que la paix soit avec lui, moi je suis
de Tahalé et je fuis un peu la froide quotidienneté de mon existence. Tu as
belle voix Awounto, c’est un don, au-delà de ta beauté, c’est comme une
couronne posée sur ta tête, mais une couronne que seuls des hommes de valeur
peuvent voir … ». À l’ouï de ses mots je commence à avoir une autre
étrange sensation, une chaleur venue de je ne sais où monte en moi et je sue à
grosse goutte. Mais il faut que je reste
forte devant cet étranger. « Merci, lui dis-je, c’est gentil, mais on me
le dit presque tous les jours ». A vrai dire, je veux cacher ma joie, car il
est le premier jeune homme aussi beau qui m’adresse de belles paroles… cela en
rajoute à l’exceptionnalité de ce moment tellement que je me pense rêver.
Comment se faisait-il que je sens ses doigts passer sur ma main ? Son
regard est si perçant qu’il m’oblige à baisser la tête. Les yeux baissés, je
suis frappée par ses jambes. Elles ont l’air d’avoir été dessinées par un
artiste, elles sont incroyablement ajustées. Je remarque aussi un bracelet en
or sur son bras, le genre de bracelet que portent les princes… « Il est
beau ! » lui dis-je, timide. « Ha, ce bracelet ! je l’ai
reçu de mon père et j’y tiens ! » répondit-il. Cela m’intrigue, mais
il effectivement très beau et je veux profiter du moment. Je veux lui dire que
je le trouve, lui aussi très beau et bien parfumé quand tout à coup…
Shut !!! Il m’interrompt. On entend
des gens crier dans le lointain comme s’ils appelaient quelqu’un… Il me dit
alors : « il faut que je parte et tu devrais en faire de même, je
suis sûr qu’on se reverra un autre jour, chacun dans sa vérité. Merci pour ce
bon moment que tu m’as fait vivre par ta chanson… même si tu ne faisais que
fredonner ».
Je n’ai même pas le temps de placer un mot que
déjà le voilà élancé sur ses jambes d’acier.
Je ne
cesse de m’interroger sur cet étrange étranger, qui était-ce ? Edhilé
était-ce vraiment son nom ? Si oui, alors je devrais peut-être l’oublié
car Edhilé signifie le rusé. Peut-être était-ce un voleur, un mendiant, un
évadé de prison… ou peut-être un violeur ??? Comment peut-il être si sûr
qu’on se reverra ? J’ai le cœur qui bat si fort que je sens que je vais
m’évanouir… Mais les cris se rapprochent de moi, alors je fais comme il a dit
et je rentre au village en empruntant un chemin détourné, dans la savane.
Ce soir, la pluie est orageuse.
Le tonnerre déchire le ciel et les gouttes de la pluie s’abattent sur la paille
de la case avec un tel bruit que j’ai peur. Je n’arrive pas à dormir, Edhilé
occupe toutes mes pensées à ce moment précis ? Du plaisir, de la joie et
aussi de l’effroi, quelle idiote j’ai été de lui donner toutes les informations
sur ma famille ! Et si cette nuit il me retrouvait, seule dans cette
chambre, ne pouvant compter sur mon père ivre à mort ? Que ferai-je ?
J’ai froid et je me lève donc pour revêtir ma
robe qui me tiendra au chaud. Je l’ai portée, je mets ma main dans les poches
pour me tenir au chaud. En glissant ma main dans la poche gauche je touche un
objet étrange. Mes poches sont habituellement vides. Je sors l’objet pour
savoir ce que c’est, mais j’ai une étrange impression du déjà touché... mon
impression se confirme quand mes yeux le voient à nouveau… Non ! Comment
est-ce possible ? C’est le bracelet d’Edhilé…
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