L'excision se définit comme l’ablation rituelle du clitoris et
parfois des petites lèvres, pratiquée chez certains peuples. Partant de cette
définition, elle apparaît, à juste titre, comme un danger pour la santé
sexuelle et reproductive de la personne qui est excisée. En Afrique, dans
certains pays comme la Guinée et La Côte d’Ivoire, elle est toujours pratiquée,
encore aujourd’hui en cachette et parfois même dans les hôpitaux. En dépit de
tous les renforcements de capacités et les sensibilisations organisés par les
gouvernements, les ONG Locales, appuyées par les ONG internationales, il est toujours
noté une renaissance du phénomène, parfois sous d’autres formes. S’ouvre donc
ainsi le problème : comment mettre fin à l’excision dans un contexte
toujours hostile ?
Certaines
interrogations sont nécessaires à la compréhension de la récurrence du phénomène :
pourquoi malgré tant d’action le phénomène persiste-t-il ? les stratégies
utilisées sont –elles en déphasage avec le contexte culturel en face ? Le
rituel de l’excision ne cache-t-il pas des valeurs culturelles indispensables à
la survie des communautés qui le pratique ? Si tel est le cas, comment
conserver ces valeurs culturelles inhérentes au rituel de l’excision tout en en
extirpant l’ablation ?
Avant
de passer à l’examen véritable du problème qui se pose ici, une présentation du
rituel s’impose à nous, pour une bonne analyse. Pour notre réflexion, nous
prendrons le cas du peuple Dan situé à l’ouest de la Côte d’Ivoire en Afrique
de l’ouest. Dans cette communauté, l’excision revêt un caractère social et
éducatif. Elle est l’une des bases fondamentales de la communauté. Jadis,
elle se déroulait pendant des années. Mais avec le temps, elle est passée à une
année puis, à quelques mois et aujourd’hui à quelques jours. Au cours de ces
années d’absence des filles dans les villages, elles étaient réunies dans un
endroit où elles étaient encadrées par les ‘’bondhé’’ (exciseuse). C’était un
camp d’initiation et de formation aux valeurs de la communauté et aux secrets
de la vie. Les ‘’drouins’’ (filles non encore excisées) qui n’étaient vraiment
pas des mineures, y recevaient les secrets du ménage : comment tenir un
foyer, comment respecter son mari ; les valeurs de la communauté : le
respect des ainées, de sa belle-mère, le respect du Gô, comment faire accoucher
une femme, comment éduquer les enfants etc.
Ces
camps de formation qui président à l’excision sont d’une importance capitale.
L’excision dans ce sens se présente comme une activité secondaire dans la
mesure où elle n’était que la preuve de l’accomplissement de l’éducation
féminine. Voilà pourquoi dans ce peuple jadis, une ‘’drouin’’ ne pouvait
prendre part à la vie de la communauté. Elle était perçue comme une paresseuse
une irresponsable à qui l’on ne peut prendre le risque de confier quelque responsabilité
que ce soit. Même lors des cérémonies de célébrations, elle n’avait pas le
droit d’y prendre part. quand une femme s’accouche, elle ne doit pas être
présente à la réjouissance parce qu’elle n’en est pas digne.
L’excision
est donc d’abord un gage de responsabilité. C’est le moyen par lequel une jeune
fille acquiert la responsabilité dans sa communauté. A l’instar de la
circoncision chez les hommes, l’excision est un des fondements de la
pérennisation des valeurs ancestrales et culturelles dans les communautés Dan.
Ensuite, elle a un aspect symbolique. Par l’ablation du clitoris (cas des Dan),
l’on marque à vie la jeune fille. La douleur qu’elle ressent a pour objectif de
lui faire rappeler toute sa vie qu’elle ne sera plus la même personne, qu’elle
a perdu son ignorance (innocence) au profit du savoir. Toute connaissance, comme
toute croissance est perte de que quelque chose, abandon de quelque chose, séparation d'avec quelque chose. Le
symbolisme de l’ablation transcende l’acte lui-même pour se jeter dans la
reconnaissance de toutes ces années de formation. Une sorte de diplôme. Voilà
pourquoi, comme une élite, les femmes excisées étaient prisées par les hommes.
Nous essayons ici, non pas de légitimer l’ablation du clitoris, mais de
comprendre la place qu’occupe l’excision dans la culture des Dan. Cette compréhension
conduirait certainement à une efficacité dans la lutte contre les MGF au sein
de cette communauté.
Cette
première analyse répond partiellement à la première question que nous nous
sommes posée : pourquoi l’excision persiste-t-elle en pays Dan malgré
toutes les actions conjuguées des ONG Nationales et internationales de lutte
contre les mutilations génitales féminines ?
La réponse nous semble être que l’excision, dans l’imagerie populaire traditionnelle est gage de valeurs culturelles féminines nécessaires à la survie de la mémoire culturelle collective. Mais cette réponse est insuffisante, car elle ne saurait justifier véritablement la résurgence du phénomène de l’excision. Il semblerait en outre que les stratégies adoptées ne soient pas épousées par les communautés. Généralement, il est question de sensibilisation de masse, de proximité, de renforcement de capacité des leaders communautaires qui sont bien obligés d’assister à la dénudation d’un légendaire secret féminin qui jusque-là était l’apanage des exciseuses, des excisées et parfois de leur époux. Cette mise à nue pourrait crée généralement deux effets : l’éveil de conscience et l’endurcissement du cœur.
La réponse nous semble être que l’excision, dans l’imagerie populaire traditionnelle est gage de valeurs culturelles féminines nécessaires à la survie de la mémoire culturelle collective. Mais cette réponse est insuffisante, car elle ne saurait justifier véritablement la résurgence du phénomène de l’excision. Il semblerait en outre que les stratégies adoptées ne soient pas épousées par les communautés. Généralement, il est question de sensibilisation de masse, de proximité, de renforcement de capacité des leaders communautaires qui sont bien obligés d’assister à la dénudation d’un légendaire secret féminin qui jusque-là était l’apanage des exciseuses, des excisées et parfois de leur époux. Cette mise à nue pourrait crée généralement deux effets : l’éveil de conscience et l’endurcissement du cœur.
L’éveil
de conscience est constaté chez des personnes sensibles à la souffrance et
convaincues que personne ne devrait, pour quelque raison que ce soit, subir une
telle souffrance. Cette catégorie de personne est celle qui ouvre la porte de
la communauté au changement. Elles deviennent des caisses de résonance ou des
amplificateurs du message des sensibilisations et des relais aux agents
communautaires des ONG dans leur entourage. Ces personnes dénoncent les cas d’excision
et participent activement au changement de mentalité et de comportement. Elles ne
sont pas ignorantes des valeurs culturelles attachées à l’excision. Elles sont
généralement des femmes ou des jeunes filles qui ont été excisées et qui en
connaissent les conséquences véritables.
L’endurcissement
du cœur se produit chez les personnes conservatrices qui accordent une grande
valeur à l’arcane qui couvre l’initiation. Toutes actions visant donc à lever
le voile sur des codes ou des institutions initiatiques, crée en eux une fermeture
hermétique. Ces derniers ont à cœur le souci de la conservation de la culture
et des valeurs morales, éducatives et culturelles liées à l’excision. C’est
donc pour eux de la profanation que d’exposer, en public, en face d’un
auditoire composé d’homme, de femme et d’enfants, des secrets conservés avec la
plus puissante ardeur.
Chacune des
deux parties trouve un fondement valable à sa thèse. Cela conduit parfois à des
conflits communautaires tel que constaté dans le canton Gampieu où la
dénonciation de cas d’excision à créer un conflit interne en 2015. La médiation
a été faite par l’ONG Siloé qui y est parvenu fort heureusement. Certaines stratégies
utilisées ne sont pas parfois adéquates au contexte culturelle de la
communauté. D’autres par contre y réussissent bien. C’est le cas par exemple des
groupes d’écoute et des focus groupes qui arrachent au public cible la coloration
bigarrée, pour l’uniformiser.
Toutefois, le problème de l’arcane demeure. Pour y remédier, l’ONG Siloé, par exemple, a ciblé la communauté des exciseuses dans l’espoir de les sensibiliser en vue de les dissuader et les reconvertir. Le constat était que ce ‘’métier se transmet de mères en filles et constitue parfois la principale source de revenue de ces familles''. Ainsi, les exciseuses ciblées ont été mise en AGR. Mais elles ont perdu le rang social qui était leur en tant qu'exciseuses, la tentation de rétrograder est donc très grande et malheureusement, certaines succombent.
Toutefois, le problème de l’arcane demeure. Pour y remédier, l’ONG Siloé, par exemple, a ciblé la communauté des exciseuses dans l’espoir de les sensibiliser en vue de les dissuader et les reconvertir. Le constat était que ce ‘’métier se transmet de mères en filles et constitue parfois la principale source de revenue de ces familles''. Ainsi, les exciseuses ciblées ont été mise en AGR. Mais elles ont perdu le rang social qui était leur en tant qu'exciseuses, la tentation de rétrograder est donc très grande et malheureusement, certaines succombent.
Aujourd’hui malgré tout, l’on assiste à l’abolition progressive de l’excision. Les gouvernements prennent des mesures en ce sens. Et pourtant, le visage culturel de la communauté ne semble pas reluisant, les divorces sont multiples et il est de plus en plus difficile, pour des filles d’arriver au mariage et encore plus d’y parvenir dans la virginité. C’est comme si la lutte contre l’excision avait libéré une ‘’bourrasque sexuelle’’ : sexualité infantile, les filles-mères, les viols des mineures par des mineurs, la prostitution, etc... D'autres chemin de réflexion s'imposent: Comment justifier donc que malgré tout, malgré la lutte pour la protection de la femme et de son intégrité physique, le visage de la jeune fille moderne est culturellement et axiologiquement plus triste ? pourrait-on parvenir contenir cette ‘’bourrasque sexuelle’’ en mêlant tradition et respect des droits de la femme et de l’enfant ? Comment amener au mariage traditionalisme et modernisme pour la cause féminine ?
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