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Si Dieu est mort, l’homme aussi.



1.  La Philosophie et la mort de Dieu.
Depuis le siècle des lumières et les philosophies Marxiste et Nietzschéenne, l’homme est né dieu. Dans le crépuscule des idoles, ou dans le tombeau du dieu artisan, la mort de Dieu a été annoncé et dévoilé. Mais l’homme qui est en est né, n’est pas plus bien portant que le Dieu qu’il a tué.



Dieu, voilà bien une réalité, si l’on convient qu’elle en est une, ou alors un concept, une idée, qui a hanté pendant des millénaires le cheminer de la pensée philosophique. Son existence, si toute fois il existe, est pour certain philosophe, le mal qui gangrène la philosophie et l’empêche de devenir une science, une véritable science. Ce qui nous importe ici, ce n’est pas la scientificité de la philosophe, mais le sort que cette discipline, aidée de la rationalité et des lumières, a réservé à Dieu, telle que compris par les religions.
Mais qu’est-ce que Dieu ? Une personne ? Dans ce cas la question la plus appropriée serait : qui est Dieu ? Mais il nous semble impossible de comprendre Dieu dans sa personnalité. Si non de répondre aussi simplement que Dieu est Dieu. Ne nous en tiendrons à la première question. Qui nous mène à la nature de Dieu, si non du nom Dieu.
Plusieurs réponses font autorité. Pour Platon, par exemple dans son Timée, c’est un démurge qui a créé les hommes et les dieux, ainsi que des êtres intermédiaires auxquels il confie la gestion de sa créature, la création de l’homme chez Platon  s’explique comme suit ;
« Reprenant alors le cratère où il avait d’abord mélangé et fondu l’âme de l’univers, il y versa ce qui restait des mêmes éléments et le partagea en autant d’âmes qu’il y a d’astres. Toutes ces âmes, à leur première incarnation, furent traitées de même ; mais, suivant leur conduite, elles devaient être réintégrées dans leur astre, ou passer dans des corps de femmes ou d’animaux. Les dieux subalternes empruntèrent donc au monde des parcelles de feu, de terre, d’eau et d’air et ils formèrent pour chaque individu un corps unique, où ils enchaînèrent les cercles de l’âme immortelle. Ceux-ci ne pouvant d’abord maîtriser le corps ou être maîtrisés par lui, il s’ensuit que l’intelligence n’y apparaît que lorsque l’accord se fait, avec l’âge »[1]
Notons que l’homme chez Platon est une partie de l’univers, et il est créé par les dieux subalternes. Il est un mélange de feu (science) de terre, d’eau et d’air (esprit). Il est donc la somme des 4 éléments, mais il reste une âme brute emprisonnée dans un corps. Cette âme ne maîtrise que le corps que en accord avec l’âge : par le biais de l’éducation. Platon fut probablement influencé par la théorie juive de la création, puisqu’il écrivit son dialogue le Timée environ un siècle après la traduction de la Thora, livre sacré juif, en grec. Dans la Thora, le Pentateuque qui renvoie aux cinq livres écrits par Moïse, l’hébreu, prince déchu d’Egypte, a aussi sa théorie de la création. Dans ce ‘’mythe’’ de la création appelé γενήσις, (genèse, commencement), Dieu est esprit et crée le monde par la simple puissant de son λογος (verbe). Mais il créa l’homme par l’action : « l’Eternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant »[2]. Dans la version biblique, l’homme est créé par Dieu et à son imagine ou plutôt à leur imagine : « Dieu dit, faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur les reptiles qui rampent sur la terre »[3]. S’agit-il d’un monothéisme ou d’un polythéisme ? Nous pourrions revenir sur cette question plus tard. Mais restons focalisés sur la relation entre Dieu et homme.

Même si chez les grecs, les dieux sont créés au même titre que les hommes, ils sont toutefois, des êtres supérieurs aux hommes. Jusque-là, Dieu apparaît comme un être transcendant qui ‘’est’’ mais qui n’existe pas.
Comprendre Dieu comme l’Être et non un être (existant) se justifie par l’étymologie des verbes être et exister. Le verbe Exister composé de  ex (hors) et  sistere (se tenir) vient dire, provenir de quelque chose. Hors Dieu ne peut provenir d’autre chose dans la mesure où il est « la nature naturante », si non de Lui-même. Selon la doctrine Judéo-chrétienne, Dieu est éternel, c’est-à-dire qu’il n’a ni commencement ni fin ; ni naissance, ni mort. A juste titre il est dit par les écrits de Jean l’apôtre déporté à Patmos, que Dieu est « l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin »[4]. Et pourtant, depuis longtemps, le combat de la philosophie et la science en général est de se libérer de Dieu, surtout sous sa conception anthropomorphique. On peut bien s’inventer, L’idée, chez Hégel, la Pense, ou la Raison, le Démiurge chez Platon pour les substituer au Dieu avec des attributs humain tel que conçu dans les religions dites révélées. Baruch Spinoza, philosophe panthéiste, croit, si nous le disons de manière triviale, que Dieu est dans la nature, Dieu est nature. Il n’est pas dans ce monde méta-sensible, extra-terrestre, situé dans le ciel, d’où il gouverne les hommes avec jalousie, colère ou amour, mais il est immanent au monde, à la nature. Dieu est dans tout. La question serait donc  de savoir, quelle est la véritable nature de Dieu. Dieu peut-il être compris par l’esprit humain ? Mieux, Dieu, doit-il être compris par l’esprit Humain ? Comment, l’esprit humain si fini, peut-il prétendre cerner l’infini ?
Et pourtant, il s’y exerce. L’homme ne cesse de chercher, à expliquer Dieu, à le penser. A force de penser Dieu, l’esprit philosophique à commencer à le penser comme la conséquence de la pensée humaine. Dieu devenant ainsi, le fruit de l’imagination de l’homme, qui ne se sachant pas parfait, projette sa perfection dans l’image de dieu, parfait. Il s’ensuit que la religion, fruit elle aussi de l’imagination humaine, devient l’apanage d’esprits faibles, tourmentés par la misère, la souffrance. Elle vient donner à ces esprits, l’espoir d’un lendemain meilleur. Marx dit à ce propos que : «La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple. »[5] Il en ressort que la présence de la religion et par nécessité Dieu, est un obstacle à la l’esprit, la pensée (philosophique, critique). Il se justifie dès lors, que pour libéré l’esprit, il faut qu’il se libère du divin et de ‘’lien’’ (religion) avec lui. C’est ce qu’on peut lire implicitement dans ces vers athées du poète, intitulés sans coïncidences, Élévation :
« Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,
Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
-Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!
»[6]
La Philosophie, depuis le siècle des Lumières, a commencé à prendre l’envol de son émancipation vis-à-vis de la métaphysique, de la Théologie et de la religion en mettant en question le rapport de la pensée à Dieu. Cet écart,  a laissé pourtant des traces dans le monde philosophique. Toutefois, celles-ci semblent avoir disparu avec le progrès scientifique, l’essor de la technologie qui a arraché l’infinité à Dieu pour l’offrir à l’espace. Dieu meurt donc dans le silence, dans la nuit des Lumières. Avec lui, l’influence des religions traditionnelles dans la sphère scientifique, politique et juridique. Au nom de la liberté de penser, Dieu a été mis en parenthèse par la philosophie. Pourtant, Dieu fut jusqu’alors le fondement de la pensée, de la politique (théocratie).  Donc sur quoi fonder désormais, ces nouveaux pensers qui en émergent ? Sur quelles valeurs et quelle religion fonder le nouvel humain
Selon Dostoievski, « Rien n’est plus séduisant pour l’homme que sa liberté de conscience. Mais rien n’est une plus grande cause de souffrance »[7], autrement dit et si nous considérons l’assertion Marxiste citée plus haut, la liberté de conscience est soit, plus dangereuse que la religion, soit la cause même de la religion. La volonté de libérer la pensée de Dieu en avançant l’argument de la liberté de conscience est donc contradictoire. Elle, n’est finalement qu’une autre tentative de faire de l’homme un dieu. Cette problématique qui se pose déjà dès les premières lignes du récit judéo-chrétien de la création, dans ce qu’on appelle la chute de l’homme, persiste toujours dans le cœur de l’homme. Le serpent originel, connaissant cette volonté de prendre la place de Dieu, ne manque pas de le réveiller chez l’homme : « Alors le serpent dit à la femme : vous ne mourrez point ; mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal »[8]. Si pour ces hommes primitifs, la conséquence de la liberté de conscience, fusse qu’ils furent chassés du paradis, destinés à gémir sous le travail (tripalium), pour se nourrir et finir humiliés dans la poussière, pour ceux de l’époque de la mort de Dieu, le supplice n’en est pas moindre. Les interrogations brillamment articulées du philosophe de la vie le témoignent :   
« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »[9]


[1] Platon, Timée, traduction de Emile chambry, La Bibliothèque électronique du Québec, Collection Philosophie Volume 8 : version 1.01, page 16
[2] Bible, Genèse 2 verset 7, LSG
[3] Op.cit, 1 Verset 26
[4] Bible, Apocalypse, 22 V 13, LSG
[5] Karl Marx  et Engels, Critique de "La philosophie du droit" de Hegel, 1844
[6] Charles Baudelaire, les fleurs du mal
[7] Dostoievski, Les Frères Karamazov, 1880
[8] Bible, Genèse 3, versets 4-5, LSG.
[9] Friedrich Nietzsche, Le gai savoir, livre troisième, 125.








Qoelteh de BEA. Master I Philosophie des pratiques
Université Franche-Comté

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