Commençons par fixer le cadre…
Bienvenu dans le monde de l’authenticité. Je ne sais pas si
nous comprenons tous la portée de ce concept d’authenticité, mais bon, certains
le comprennent en tout cas. Mais moi ce qui me frappe c’est la manière donc le
monde d’aujourd’hui maitrise l’art de faire émerger les contraires dans son
discours. Ne nous méprenons pas. Nous sommes loin de la dialectique hégélienne
et/ou platonicienne, mais aussi des images éclatées de la dialectique de Niamkey
Koffi. Ce monde est fou pour certains, je parle de ceux qui sont des
traditionnalistes, des conservateurs, des radicaux qui ne voient le monde que
par les luttes de leur convictions religieuses et de leurs dogmes qui aux yeux
du monde aussi, sont tout aussi fous que ceux qui les portes … Lol (me
dira-t-on, dans le code langagier de la jeunesse contemporaine) !
Ce monde est éclairé, le plus illuminé qu’on est connu jusque-là,
enfin, si nous le comprenons comme l’héritage des Lumières, à moins que (comme
l’ordre nait du chaos) la lumière donne naissance aux ténèbres. C’est le monde
des droits de l’homme (mais aussi de la nature[1] et des
animaux, poussons la réflexion jusqu’au bout), de la liberté (mais aussi du
libertinage, mdr !!!) de la production, de la distribution et de la
consommation. Bref, c’est le monde, le siècle de l’homme, de l’humain ou de l’humanité,
l’âge de l’humanisme. C’est un monde éclairé. Mais permettons cette digression :
le monde dont nous parlons ne touche pas l’Afrique noire qui, comme la couleur
de la peau de ses originaires, gît encore dans la pénombre. Si non comment
expliquer que nos différents modèles de développement et d’« émergence »
sont des modèles transcendants, extérieurs et non immanents à nos réalités ?
Et pourtant le siècle d’aujourd’hui est selon Charles Taylor (le communautariste
canadien et non le sombre politicien libérien) l’âge de l’immanence[2]. C’est
comme si l’Afrique était complètement hors-sujet dans la ‘’dissertation
philosophique’’ du moment.
Eh bien, le siècle présent, pour ceux qui sont ‘’à jour’’, est
le siècle de l’homme, de l’individu. C’est d’ailleurs pour cela que les régimes
politiques qui ne font pas la promotion de l’individualisme sombrent de plus en
plus dans des difficultés. Pouvoir d’achat, état de droit, économie de
marché, capital etc… voilà les nouveaux concepts du moment. Ha j’oubliais,
internet, terrorisme, scandales, ennemie numéro 1, zombie, nucléaire, réchauffement
climatiques, catastrophes naturelles etc… Il faut les compter aussi dans le
lot. En clair, c’est un siècle
fourre-tout et il faut bien se demander : ce ‘’tout’’ qui y est fourré, d’où
vient-il dans un monde aussi éclairé ? Bien, calmons-nous, sortons des
galimatias d’intellectuels ou des langages triviaux du vulgaire et
inscrivons-nous dans une perspective dégaoutique[3]. En clair,
portons un regard véritablement critique sur tout ça.
Ce que nous voulons dire par cet exposé qui semble futile pour
celui qui le veut, c’est que finalement, les temps contemporains nous offrent
autant de possibilités, de choix, d’opportunités et de sécurité que de peurs, d’angoisse,
de psychose et d’incertitude. Or l’attitude purement humaine devant tant de
doute et d’incertitude est de se replier sur soi, car la sécurité dans ce contexte
ne peut venir que de soi et, quand bien même on se tromperait, la douleur et le
choc en seraient atténués pour le fait qu’on a fait le choix en lequel on a cru,
on a affirmé et assumé son authenticité. L’authenticité nous apparait ici, et
il nous semble que ce soit la définition la plus intime, comme le moyen par
lequel nous nous identifions au monde, le lieu de l’affirmation et de la
réalisation de soi. Le moment de la rencontre de notre être avec notre
paraître, le moment ou l’insécurité du monde changeant se noie dans le calme et
la sécurité intérieure. Elle ne peut donc qu’atteindre ‘’logiquement’’ son
apogée, dans une époque où le despotisme doux fait tellement de ravage que les
garde-fous finissent par devenir fous.
Remarquons que nous avons libéré le concept d’authenticité de
sa généalogie pour ne lui donner qu’une définition temporelle et non historique.
Ce n’est pas que la connaissance de sa généalogie nous fasse défaut. Nous savons
par exemple que ses origines remontent à l’ Hominis
dignitate de Pic de la Mirandole et qu’il est étroitement lié aux notions
de liberté et d’égalité. C’est juste que nous voulons faire l’économie de cet
exposé trop long et super compliqué pour l’esprit contemporain qui adore les
mots clés et pour l’esprit africain qui ne voit pas la nécessité d’en faire un
combat. Ce que nous ne pouvons par contre occulté dans cette histoire, c’est
que la notion d’authenticité a conduit en quelque sorte au désenchantement du
monde et à la sécularisation du monde occidental si nous nous rapportons
toujours aux travaux de Charles Taylor, et a conduit à l’émergence de ce qu’il
appelle l’effet super nova. Mais pour moi, et c’est ici l’intérêt de ‘’ces
balbutiements philosophiques’’, ce qui reste décisif et dangereux, c’est la
naissance dans ce contexte un peu confus, du Narcisse contemporain : le
super-narcissisme d’aujourd’hui.
[1] Cf
Michel Serres, Le contrat naturel,
Paris, Flammarion, 2009.
[2] Cf L’âge séculier, Paris, Seuil, 2011.
[3] Concept
du philosophe ivoirien Boa Thiémélé Ramès qui appelle une position critique
sans apriori, un doute méthodique authentiquement africain. Bref, les articles
ne manquent pas à ce sujet sur le net.
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