La
tombe de Dieu…
Faisons
un détour par la ‘’tombe de Dieu’’. J’en ai parlé dans mon article portant sur
la mort de Dieu. Mais bon, je vais quand même préciser le contenu de mes mots
pour éviter de passer pour un infidèle ou de blasphémer. La mort, nous le
savons, n’est pas nécessairement l’absence de vie ou plutôt la fin de la vie,
mais elle peut être aussi entendue comme l’absence, la non présence,
l’effacement ou le silence voire l’oubli en opposition à l’éternité ou
l’immortalité. Quand je parle ici de mort de Dieu, il faut donc comprendre, non
pas son enterrement comme c’est le cas avec les hommes, mais comprendre plutôt
ce moment où l’on assiste à la baisse de popularité ou de la présence de l’idée
de Dieu dans la croyance et les pratiques des hommes, c’est certainement l’idée
qui se glisse dans le concept nietzschéen de la mort de Dieu ou du crépuscule
des idoles. Mais quel lien peut-on établir entre l’authenticité et la mort de
Dieu ?
Pour le
voir, il faut remonter jusqu’à la Renaissance. Charles Taylor reconnait, à la
suite d’un avis général, une influence du De
Hominis Dignitate de Pic de la Mirandole sur la quête de l’authenticité.
J’avais déjà ouvert cette réflexion dans mon texte précédent. Poursuivons-là
donc. Ce texte ésotérique qui englobe philosophie antique, savoir antique
égyptien, scholastique, christianisme, islam et bien d’autres formes de savoir,
met en scène une philosophie ouverte aux autres savoirs certes, mais une
philosophie qui reste en soi le chemin privilégié d’accès à la divinité. Si
dans ce discours Pic essaie de proposer une réconciliation, une issue irénique
au conflit qui oppose l’église et la philosophie, il n’en reste pas moins qu’il
ouvre par la même occasion la possibilité à l’homme de trouver dans son for
intérieur le chemin vers son plein accomplissement. Voyons cela plus en
détails. Parlant de Dieu aux jours de la création, Il affirme ceci :
« Le
parfait ouvrier décida qu’à celui qui ne pouvait rien recevoir en propre serait
commun tout ce qui avait été donné de particulier à chaque être isolément. Il
prit donc l’homme, cette œuvre indistinctement imagée, et l’ayant placé au
milieu du monde, il lui adressa la parole en ces termes : « si nous
ne t’avons donné, Adam, ni une place déterminée, ni un aspect qui te soit
propre, ni aucun don particulier, c’est afin que la place, l’aspect, les dons
que toi-même aurais souhaités, tu les aies et les possèdes selon ton vœu, à ton
idée. Pour les autres, leur nature définie est tenue en bride par des lois que
nous avons prescrites : toi, aucune restriction ne te bride, c’est ton
propre jugement, auquel je t’ai confié, qui te permettra de définir ta nature.
Si je t’ai mis dans le monde en position intermédiaire, c’est pour que de là tu
examines plus à ton aise tout ce qui se trouve dans le monde alentour. Si nous
ne t’avons fait ni céleste ni terrestre, ni mortel ni immortel, c’est afin que,
doté pour ainsi dire du pouvoir arbitral et honorifique de te modeler et de te
façonner toi-même, tu te donnes la forme qui aurait eu ta préférence »[1].
C’est un
texte dense qui donne des informations précieuses. Nous ne nous attarderons pas
sur son inscription dans l’ordre néoplatonicien du ‘’logos ontique’’, mais
c’est l’aspect de sa rupture avec cet ordre, son éloge de la volonté humaine et
du choix authentique humain, face à la volonté du divin architecte qui doivent
retenir l’attention. Dans ce texte, on retrouve, comme l’ambitionne son auteur,
un dialogue progressif et non contradictoire de plusieurs savoirs et
philosophies. Mais ce qui est marquant, c’est que dans ce dialogue, dans ce
mélange, ce qui reste constant c’est la liberté de l’homme à se conduire selon
son propre vouloir et à se modeler à sa guise.
Selon Pic
de la Mirandole, Dieu aurait donner à l’homme la possibilité du choix. Cette
notion de choix est chère à l’authenticité, parce qu’elle symbolise à la fois
la liberté et l’égalité. Il semble que cela soit ‘’l’erreur’’ que Dieu a
commise, si on peut appeler cela une erreur (lool !). Mais l’homme a
utilisé cette liberté pour s’éloigner de Dieu. C’est en tout cas ce qu’en pense
Taylor ; Pour lui, Pic marque une rupture, « il semble frayer la voie
à une étape où les fins de la vie humaine ne se définiront plus par rapport à
un ordre cosmique, mais où on les découvrira (ou les choisira) à l’intérieur de
soi »[2].
Clairement qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien, tout simplement, que l’homme
cherche toujours la liberté, il cherche à s’émanciper et à se libérer des
règles… ne vous y trompez pas, ces histoires de servitudes volontaires ou de ‘’ζόν
πολίτικόν’’ (animal politique) d’Aristote et autres, je n’y crois pas trop. L’homme
fuit constamment les autres, il se dérobe à leur regard et aime plus que tout
son intériorité, le seul lieu où il se sent en sécurité, où personne ne peut le
dominer… Personne ? non ! Dieu le peut ? Voilà pourquoi, dès que
la possibilité lui est donnée, il s’enfuie loin du divin. Les chrétiens le
savent, on note le cas de Jonas, mais c’est surtout celui d’Adam et Eve, ce cas
qui réconcilie chrétiens et musulmans et bien d’autres religieux encore, qui
est le plus parleur, en tout cas selon moi. Mais bon, tout ça reste sujet à
débat. Pour l’essentiel, retiens avec moi que l’authenticité a favorisé la mort
de Dieu. La raison en est qu’en quêtant un choix authentiquement mien, j’impose
qu’aucune contrainte ne me soit imposée ni même celle d’une morale extérieure, car
elle nie en soi ma vraie liberté et mon égalité avec les autres. On comprends donc pourquoi certains ont appelé de tout leur vœu la mort de Dieu. Dieu est mort, tout est permis, ou plutôt "si Dieu n'est pas, alors tout est permis", nous dit Dostoïevski dans Les frères karamazov.
Parlons maintenant
de l’apport de la science dans tout ça. Darwin, Descartes et Fourrier, Voilà
des hommes qui ont tout mélangé et tout compliqué !!!
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